Selon le Financial Times, les fonds spéculatifs ont perdu 43 milliards de dollars au cours du mois de novembre, leurs positions courtes sur les marchés obligataires et boursiers ayant joué en leur défaveur. Alors que les prix des obligations ont chuté brutalement tout au long du mois d’octobre, ce qui a nui à la plupart des cours des actions, ces fonds spéculatifs ont pris un nombre considérable de positions courtes afin de tirer profit de la chute des prix des obligations ou des cours des actions, car ils espéraient les racheter à des prix inférieurs au produit de leurs ventes.
Les fonds spéculatifs avaient de bonnes raisons de se montrer pessimistes ces deux derniers mois. Non seulement les banques centrales ont veillé à ne pas susciter d’attentes concernant des baisses de taux d’intérêt, mais les prix des obligations étaient en forte baisse pour des raisons à la fois techniques et fondamentales. Alors que cette tendance s’est propagée sur les marchés financiers, il a paru évident que de nouvelles baisses des prix des obligations et des cours des actions étaient à prévoir. Pour les fonds spéculatifs, cette évidence les a conduits à investir leur argent.
Il s’agit de l’explication simplifiée des événements survenus sur les marchés financiers ce mois-ci. Comme beaucoup d’explications simples, celle-ci élude la question de ce qui se passe à plus long terme. Ce phénomène est normal à cette époque de l’année, lorsque les observateurs, les investisseurs, les spéculateurs et les médias ont réduit leur horizon financier à quelques semaines, pour coïncider avec la fin de l’année, avant de jeter un regard neuf sur les marchés à l’aube de la nouvelle année.
Cependant, les événements survenus sur les marchés financiers au cours du mois de novembre n’auraient pas pu être plus différents de ceux du mois précédent. Le fort rebond des prix des obligations d’État mondiales, accompagné d’une hausse tout aussi surprenante des cours des actions, a pris de court de nombreux observateurs et investisseurs. Les articles de presse au sujet des pertes subies par les fonds spéculatifs abondent. Notons la rhétorique du « oui, mais… » des journalistes, par laquelle chaque évolution positive des marchés financiers est suivie de mises en garde et d’avertissements.
La tendance à la baisse prolongée de l’inflation et ses prévisions (dans l’ensemble) s’est également accompagnée d’avertissements de la part des banques centrales. Tout en reconnaissant que leur mission consistant à maîtriser l’inflation a été couronnée de succès, bon nombre de ces banques centrales déclarent également que « le dernier kilomètre est le plus difficile » et que pour atteindre leur taux d’inflation cible de 2 %, qui peut se profiler à l’horizon, il reste (encore) du chemin à parcourir.
Bien des acteurs de ce type oublient souvent que, par essence, les cours des actions ont l’habitude de regarder de l’autre côté de la vallée. Les marchés haussiers débutent habituellement pendant les périodes d’incertitude et prennent généralement les acteurs du marché par surprise. Dans le même temps, un marché baissier débute rarement avec un pessimisme partagé par l’ensemble des investisseurs. C’est là que réside la dichotomie. Dans l’ensemble, les marchés doivent être pris au sérieux en ce qui concerne leurs prévisions à moyen et parfois à long terme, mais les acteurs individuels du marché sont souvent pris au dépourvu et déstabilisés. Le respect des premiers ne s’accompagne pas nécessairement du respect des seconds ; au contraire…
Cette dichotomie a été largement mise en évidence au cours de l’année qui s’achève. À de nombreuses reprises, les marchés obligataires étaient en hausse alors que tous les autres agents, des banques centrales aux commentateurs dans les médias en passant par les fonds spéculatifs et autres acteurs économiques, se montraient pessimistes. D’ailleurs, il en va de même dans l’autre sens.
Les investisseurs macroéconomiques auront raison de s’interroger sur le triptyque croissance-liquidité-valorisation lorsqu’ils évalueront leurs chances d’accroître la valeur de leur portefeuille à l’aube de 2024.
En résumé, la croissance économique est plus (ou moins) avérée, quoique modérée. La liquidité est actuellement encourageante (et c’est le cas depuis plus longtemps que les pessimistes ne veulent bien l’admettre), notamment au cours des dernières semaines, les rendements obligataires ayant fortement inversé la pénible trajectoire qu’ils ont connue au mois d’octobre. Cette situation a été favorisée par la forte baisse de la valeur externe du dollar américain (qui profite à l’activité économique des marchés émergents, dont les emprunteurs en dollars ont souffert, car la hausse incessante de la valeur externe du dollar a nui à la valeur de leurs engagements financiers libellés en dollars). Et enfin, la valorisation. Ce sujet a toujours fait l’objet de discussions intenses et de divergences d’opinions, et il le restera.
Ces divergences d’opinions sont fortement influencées par le style d’investissement des protagonistes et, en particulier, par leur horizon temporel. L’horizon temporel des investisseurs dits « value » (et « crypto-value ») s’étend à peine au-delà d’un ou deux ans. L’horizon d’investissement visible dans les travaux des analystes « sell-side » en atteste. Pour ces « acteurs », les rendements du dividende et les ratios cours/bénéfice (P/E) constituent, ensemble, le Graal de l’investissement. La satisfaction des actionnaires à court terme par la distribution de dividendes annuels toujours plus élevés prime sur tout le reste et masque les véritables risques liés à l’investissement. Le fait que ces distributions s’accompagnent d’un détachement du dividende des actions n’inquiète pas ces investisseurs. Nous avons qualifié cette obsession des rendements du dividende de « mirage des rendements du dividende », un phénomène qui doit être regardé avec suspicion plutôt que salué. Lorsque le versement de dividendes est le dernier recours, cela fait souvent craindre un arrêt futur de la croissance.
Le travail de valorisation effectué par les investisseurs « quality growth » est de nature totalement différente. Les ratios P/E n’indiquent pas la juste valeur d’une véritable entreprise « quality growth » et sont en effet généralement trop élevés pour les investisseurs « value ». Ce qui est largement ignoré, c’est le fait que les ratios P/E pour les investisseurs « quality growth » sont habituellement trop élevés pour les investisseurs « value », précisément parce que le rendement offert aux actionnaires reflète les caractéristiques de qualité et de croissance d’un tel portefeuille. Trop cher, c’est trop cher.
L’année 2022 a été rude pour tous les investisseurs, notamment ceux qui se concentrent sur les entreprises « quality growth ». Toutefois, cela ne traduisait pas une détérioration de la croissance et de la qualité sous-jacentes de ces entreprises. Au contraire, la hausse constante des rendements obligataires a eu une incidence négative sur le taux d’actualisation des flux de trésorerie futurs. Et ce, que ces entreprises soient à forte intensité de capital et souffrent de bilans surendettés ou qu’elles aient peu de besoins en capitaux propres et des bilans robustes. Les calculs se sont simplement imposés face à la philosophie d’investissement. De telles situations se produisent et, si elles sont correctement identifiées, elles offrent à l’investisseur la possibilité d’acquérir facilement des entreprises de qualité supérieure.
C’est pour ces raisons, et bien d’autres, que les investisseurs « quality growth » ont obtenu des rendements satisfaisants jusqu’à présent en 2023. Les Dix règles d’or qui accompagnent ces investisseurs continueront de les tirer d’affaire à l’avenir, comme elles l’ont fait dans le passé.
P. Seilern
Le 25 novembre 2023
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